Alors la Cigale??

Dire que le spectacle de Pierre à la Cigale était attendu relèverait du pur euphémisme. Annonce de la date le 16 octobre, places prises le surlendemain de la dernière Boule Noire et surtout ancrage bien réel vers ce qui allait devenir cette fameuse tournée française. Pourtant, globalement, la Cigale ne restera pas, à mon goût, un souvenir impérissable …

Tout commence, pourtant, plutôt bien : arrivée devant la Cigale vers 16h30 et retrouvailles avec un grand nombre de têtes connues, je pense aux deux Patrick, à Marie, à Brigitte, à Alexandra, à Chaton et à tous les autres. Forcément, cela instaure, d'entrée de jeu, une ambiance assez conviviale et plaisante que l'on aimerait retrouver, plus souvent, dans d'autres concerts. Pendant que certains partent prendre un verre, nous commençons l'attente avec Patrick B., Marie et Brigitte. L'ambiance est plus que bon enfant (il faut dire que les passants nous aident vivement dans notre tâche … on verra de tout en un peu plus de trois heures) : je conseille, d'ailleurs, vivement à Patrick de se reconvertir dans le one-man-show, ça pourrait marcher à merveille ;-) Non content de promouvoir la musique de Pierre à ceux s'aventurant devant les portes de la Cigale, on rencontre deux québécoises venues le voir tout spécialement et l'on se fait même proposer un pèlerinage à Lourdes ! Il faudra tout notre sang-froid pour contenir le fou rire qui guette … Le temps passe plus que vite et arrive déjà le moment d'entrer dans la salle. Premiers arrivés, premiers servis, je choisis l'option « corbeille debout à droite de la scène », non seulement car je dois garder une place pour quelqu'un, mais aussi pour avoir un angle de vue différent. Une fausse bonne idée, au final, puisque le son de la première partie deviendra rapidement insupportable.

Première partie, donc, avec un jeune groupe francilien, Robin Leduc & The Pacemakers, sorte d'ersatz des BB Brunes aux textes plutôt indigents, malgré quelques trouvailles musicales intéressantes. Un set de six ou sept titres devenant rapidement un calvaire insupportable pour moi puisqu'une violente douleur dans la poitrine va bientôt m'assaillir. Gros coup de panique, je ne vais quand même pas tomber dans les vapes, ce soir ?! Heureusement qu'un peu de marche et un rafraîchissement aux toilettes vont faire, petit à petit, disparaître la douleur. Pendant ce temps-là, c'est le chassé-croisé dans la salle, j'octroie un beau carton rouge à l'organisation de la Cigale : soit on ouvre les balcons d'entrée de jeu, soit on les laisse fermés pour toute la durée du concert. Leur petit jeu de chaises musicales reste assez impressionnant et il nous est difficile de regagner nos places (d'autant plus qu'un monsieur gagne une belle chute dans les escaliers du bar !). Je salue juste le calme, dans leur grande majorité, des « fans » de Pierre, car, avec un autre public, l'opération aurait pu dégénérer assez vite. Finalement installée avec Clémentine, le concert peut débuter, avec un état mi-figue, mi-raisin, de mon côté. J'ai énormément de mal à rentrer dans le spectacle : il faut attendre Le Maquis pour que les choses commencent à redevenir normales.

Pierre est très en forme, même si je l'ai aussi senti tendu, inquiet, s'emmêlant quasiment les pinceaux dans ses explications sur Moi, Elsie, par exemple. Dès Ces Étranges Lueurs/Le Magnétisme des Amants, le public est parfait, très réceptif, si bien que le concert décolle rapidement. Quelques bouts de chou se sont installés devant la scène, se dandinant et sautillant au rythme de la mélodie, c'est absolument adorable. Toujours dans l'énergie, Tous les visages enchaîne et voilà bien une version que je ne regretterai pas lors des spectacles piano/solo tant je ne peux plus entendre cette chanson. Je m'étais quasiment réconciliée avec elle lors de la Boule Noire dans cette interprétation à deux, avec Josianne, au piano, mais le retour de la variante « péchue » me laisse sur le carreau. Avant Coulent les rires, les spectateurs rient volontiers de ses blagues et j'ai trouvé extrêmement touchant son petit speech sur Paris (mention spéciale à la ressemblance de la Tour Eiffel avec Dalida et à sa montée des marches légèrement vêtu ;D). Entendre qu'ils se sentent désormais presque comme chez eux, en France, est rassurant sur ses intentions de persévérer dans l'hexagone, après les articles parfois difficiles à lire sur son absence de succès chez nous. Les habituelles Au 27-100 rue des Partances et Qu'en est-il de la chance font monter l'ambiance d'un cran, malgré une acoustique de la salle assez déplorable. Les instruments avaient plutôt tendance à enterrer la voix de Pierre, si bien que Josianne n'a eu de cesse de demander à la technique de baisser le son du piano, notamment, ce qui n'a pu être réglé que tard dans le set. Je continue à énormément aimer « l'emboîtement » des Lignes de ma main et des Ephérites : la ligne de guitare ajoutée dans cette dernière lui apporte un cachet tout neuf, une pointe d'authenticité supplémentaire, renforçant la puissance d'un texte marquant. Et puis, le moment que j'aime beaucoup, Nous restions là, à chaque fois, j'ai le cœur qui s'arrête sur celle-là, et le petit miracle a lieu, une fois de plus, à la Cigale. La grandeur de la salle n'altère pas l'émotion émanant de cette chanson : la voix de Pierre nous fait frissonner et les quelques 900 personnes présentes retiennent juste leur souffle. Avec L'Amour solaire et Le Maquis, le concert retrouve son rythme de croisière, tandis que je respire à nouveau normalement et commence à réellement profiter de la soirée. Il était temps ! J'ai tout juste l'occasion de reprendre une bouffée d'air avant d'affronter Les Sentiments Humains, sûrement le titre qui me touche le plus personnellement sur le dernier album. J'ai juste l'impression de me prendre une baffe, à chaque fois, un peu moins douloureuse au bout de quatre dates, mais toujours bouleversante. Puis arrive Le Lion Imberbe que j'apprécie, mais qui ne m'avait pas surprise depuis un bon moment … Il ne faut jamais dire jamais, puisque la chanson me cueille comme une fleur sans que je ne puisse m'y attendre. L'expression de Pierre sur ce titre est totalement déchirante entre intensité et passion : le résultat est aussi troublant qu'étonnant. Je redécouvre, encore une fois, Moi, Elsie : autant je n'étais pas du tout touchée par l'interprétation d'Elisapie Isaac, trop maniérée à mon goût, autant je trouve celle de Pierre d'une justesse parfaite. Deuxième fois, donc, que j'ai l'occasion de l'écouter en live et la magie opère (le texte est à tomber par terre, il faut le dire …). Le 25-1-14-14 annonce Tel un seul homme, que je suis pressée de retrouver en version piano-voix, tant cette avalanche sur une chanson pourtant tellement forte sans fioritures, me semble inutile. Les arrangements couvrent plus la voix de Pierre qu'ils ne la mettent en valeur et, avec les nombreux problèmes de son de la salle, pour ceux qui ne connaissent pas les paroles, le texte est quasiment inaudible. Comme d'habitude, la présentation des musiciens nous vaut des fous rires mémorables. Pierre est en grande forme, alors tout y passe : de Steve et sa passion pour les castors (Pierre aimerait en avoir, mais ne peut point en raison de ses meubles ) à Guido, son préféré, en passant par le dérapage totale sur Josianne « qui turlute comme personne » (sorte de beat-box vocale), que Pierre va détourner … Bref, c'est du grand n'importe quoi et le public est plié en deux. Enfin, les indispensables viennent clôturer la première partie du concert, Je reviendrai (que j'aime toujours autant ! Plus d'un an à écouter cette chanson et aucune lassitude), L'Endomètre Rebelle, une de celles que je n'imagine pas enlevée de la setlist, elle est mon coup de cœur live depuis 2007, ainsi que L'Enfant de ma mère, la bombe de la soirée. C'est pendant ces titres-ci que , comme je le disais à Patrick lundi soir, je me prends pour Amélie Poulain. Comprenez que je me retourne, que je scrute les visages autour de moi, aux balcons, en fosse … Puisque je suis placée à un endroit stratégique, j'ai tout le loisir d'observer tous ces visages connus et inconnus vibrant chacun à leur manière, chantant à tue-tête ou écoutant religieusement. Je pense à l'attitude de Patrick (Patrick90) qui m'a beaucoup marqué dans ce regard aussi expressif qu'admiratif envers Pierre. Il y a quelque chose de très touchant, de très beau là-dedans, aucune hystérie ou débordement encombrant, juste un profond respect et un enivrement très humains. J'ai relevé la même chose dans les ¾ des regards que j'ai pu capter et j'ai beaucoup aimé ce que j'ai vu. Ça change terriblement des rares hystériques frôlant l'inondation de leurs petites culottes ;-)

Tout le groupe est, ensuite, joyeusement rappelé, et je crois que l'on est tous ravis de pouvoir entendre cette fameuse nouvelle chanson, celle qu'il casse depuis le début de sa tournée. Au-delà d'un texte légèrement en-dessous de ses habitudes, la mélodie est tellement incroyable qu'elle rattrape ce léger défaut. Je me suis même demandée, par la suite, si le côté « ordinaire » du refrain n'était pas voulu par Pierre : une manière comme une autre de ne pas devenir une caricature de lui-même, une sorte de chanteur qui dégaine la métaphore plus vite que son ombre. A voir. En tout cas, elle a fait un grand effet dans le public, malgré un petit plantage. Je crois que l'ambiance a atteint son paroxysme avec l'association de 2x2 rassemblés et du Bar des Suicidés, c'est juste agréable de voir tout le monde jouer le jeu et s'amuser à ce point-là. A ce moment-là, j'ai eu une vision de Pierre dans une grande salle française, idée que je me suis empressée de chasser de mon esprit. Après un second rappel, seul au piano, sur Les Vertiges d'en haut, le public est chaud bouillant, ça n'en finit plus d'applaudir, de taper des pieds, de réclamer une dernière chanson. Pendant cinq bonnes minutes, j'ai bien cru que la Cigale allait exploser : en plusieurs années de concerts, j'ai rarement vu un artiste aussi demandé. Le moment était juste extrêmement émouvant, il y avait quelque chose d'incroyablement touchant dans cet instant-là, sans que je sois réellement en mesure de me l'expliquer. D'où j'étais placée, j'ai pu observer le petit jeu de la sécurité qui ne savait plus quoi faire, se disant, au départ, « ok, on laisse tomber, ça va se calmer » pour finalement, courir dans tous les sens après Pierre. C'était assez drôle, en y repensant … Finalement, l'ultime rappel aura lieu : Pierre revient pour nous offrir Les Callas, une petite chanson d'à peine deux minutes sur ces fleurs à un seul pétale replié sur elle-même. Il nous précise que « c'est du vrai rappel » et qu'un peu plus et « il était nu » ! Forcément, il continue à faire rire son monde, mais je le sens très touché de cette acclamation. Après cette jolie inédite, on rejoint la sortie et les échanges d'impressions vont bon train, je retrouve une amie et, après un long moment et quelques tergiversations, on décide de faire un after entre nous, peu convaincus par la future sortie de Pierre (nous aurons finalement raison). Je finirai, donc, une très jolie soirée dans une belle ambiance avec des personnes extrêmement sympathiques, merci beaucoup à vous !

Globalement, la Cigale reste un souvenir aigre-doux, frustrant sur beaucoup d'aspects, étonnant sur d'autres. Il restera marquant comme LA soirée parisienne, mais, émotionnellement, d'autres moments viendront, sans hésiter, lui voler la vedette. Donc, une date que je retiendrai surtout à cause de quelques moments de grâce, d'un excellent public, d'une attente hilarante, d'un after très sympathique, et puis, bien sûr, le plaisir d'avoir revu plein de têtes connues.

A très vite